Spécialiste de l’histoire militaire et médiévale, Yuval Noah Harari, 42 ans, est maître de conférences à l’Université hébraïque de Jérusalem. Dans son dernier ouvrage, 21 leçons pour le XXIe siècle (Albin Michel, 420 p., 23 euros, à paraître le 2 octobre), l’historien met en garde : l’homme pourra bientôt être piraté comme une machine. Il revient sur la crise écologique, la fragilité des démocraties libérales, les « fake news », le big data et l’intelligence artificielle pour en expliquer les enjeux à long terme.
Dans votre nouveau livre, « 21 leçons pour le XXIe siècle », vous écrivez que nous avons deux défis devant nous : la disruption technologique et la crise écologique. Le nationalisme, qui semble avoir le vent en poupe, a-t-il des réponses à ces deux défis ?
Yuval Noah Harari : Sur le long terme, le nationalisme a été une force de bien. Il a permis à des peuples de collaborer comme jamais auparavant. Pendant près de deux cents ans, c’est en grande partie grâce au sentiment national que les gens étaient prêts à payer pour leur protection sociale et l’Etat providence. Mais le nationalisme a aussi de mauvais côtés : la xénophobie, qui conduit à la guerre. Aujourd’hui, il ne fera qu’aggraver les choses.
Le nationalisme n’a pas de réponses à apporter aux problèmes globaux. Sans surprise, ce sont surtout des gens issus de la droite nationaliste qui nient le changement climatique. La vision du monde au cœur de la vague nationaliste actuelle, de Viktor Orban à Steve Bannon en passant par Marine Le Pen, se résume à un réseau de forteresses bloquant l’immigration et imposant des taxes sur les produits étrangers – des forteresses protégeant de la guerre, des ennemis, du multiculturalisme. Mais personne ne peut construire un mur contre l’intelligence artificielle ou contre le changement climatique.
On ne peut pas répondre à ces enjeux sur le seul plan national. Quand bien même le gouvernement français réduirait à zéro ses émissions de gaz à effet de serre, quand bien même il deviendrait le meilleur élève en matière écologique dans le monde, cela ne servirait à rien sans coopération internationale. Elle sera indispensable si on veut parvenir à réguler l’intelligence artificielle et la biotechnologie.
Sans elle, non seulement il deviendra impossible d’arrêter leur développement mais on sera tenté d’abandonner nos propres règles. Si, par exemple, la Chine ou la Russie acquièrent des robots armés, ce sera le début d’une course à l’armement. Il y a cinq ans, personne, à part peut-être la Chine, ne comprenait le potentiel de l’intelligence artificielle, qui pourrait pourtant conduire à la disparition de l’humanité.
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